Dans la catégorie retraite spirituelle et physique, il y en a qui partent faire du surf et du yoga à Bali, d’autres vont au Québec par -28°, et encore d’autres qui vont en Inde, se retenir de parler et méditer là dessus.
Dans cet article, on laisse la plume libre à Elsa, une amie d’Annecy qui a fait l’exercice Vipassana, soit vivre en silence pendant 10 jours (ou plus).
En dehors de ses nombreux voyages, elle est photographe professionnelle.
Durant son séjour, elle n’a pas le droit d’apporter ni livre, ni MP3, ni stylo, ni téléphone portable, ni … appareil photo.
On illustrera donc l’article avec des photos de son voyage.
A toi de jouer Elsa 😉
Me voici à Udaipur depuis 3 jours, je me remets doucement de l’expérience Vipassana. C’est dans des conditions extrêmes que j’ai pris des notes au péril de ma vie, en écrivant sur un prospectus trouvé par terre et un vieux stylo défaillant. Tout cela pour vous faire vivre au jour le jour cette expérience inhabituelle.
En voiture Simone !
J-1
Après un long et chaotique voyage depuis Pushkar, j’arrive très énervée et en hyperthermie au centre Vipassana. Soit en condition parfaite pour débuter l’expérience. Nous sommes quelques occidentales et une centaine d’indiennes, ce stage étant réservé aux femmes.
On laisse nos affaires interdites au lobi (livres, cahier, stylo, nourriture, MP3, portable…) mais à ma surprise ils ne contrôlent rien. Je suis honnête mais pas bête, je laisse tout sauf un stylo et des amandes.
Je découvre ma chambre et malgré trois mois en Inde et mes expectatives bien basses je suis choquée. La chambre est sale et pleine de crottes de lézards. Je vais demander sans trop d’espoir à changer de chambre, mais à la place on va m’envoyer quelqu’un pour m’aider à nettoyer tant bien que mal. Pas de Monsieur Propre ici, pas de serpillère non plus, on nettoie avec des nattes de paille, et des chiffons. Youpi.
Les lézards du Rajasthan sont plus gros et plus dégoutants que ceux du sud. Ma foi on va bien devoir cohabiter.
La foule qui se presse pour une fête religieuse à Pushkar
La soirée comportera une introduction à toutes les règles chiantes à suivre pendant les 10 jours. Voici le planning :
4h lever
4h30 – 6h30 méditation
6h30 petit-déjeuner
8h -11h médiation
11h déjeuner
13h – 17h méditation
17h goûter
18h – 19h méditation
19h – 20h30 Vidéo sur la théorie de la méthode
20h30 – 21h médiation
Donc pas de souper !
J1
Il fait environ 40 degrés à l’intérieur de ma chambre, en comparaison les 30 degrés nocturnes à l’extérieur semblent rafraichir. Mais on n’a pas le droit et dormir dehors et dedans c’est une fournaise a proprement dit. Il fait si chaud qu’il est quasiment impossible de dormir.
Je n’ai plus de portable et pas de montre mais une cloche doit retentir à 4h pour nous réveiller. Au bout d’un moment il fait super jour et je me dis que j’ai dû rester endormie. Je vais dans la salle principale et en effet, tout le monde est déjà en méditation depuis 1h30. Je comprendrai un peu plus tard pourquoi je ne me suis pas réveillé. La puissance sonore de la cloche est comparable à celle de la clochette du lapin de Pâques de Lindt. La salle de méditation et aussi une fournaise et cela n’aide pas à la concentration.
J’en ai déjà marre…
Tour de barque très matinal sur le Gange
J2
Je passe la plus grande partie de ma journée à tenir de longues conversations avec moi-même (puisque je suis la seule personne avec qui je peux communiquer). En général, on tombe facilement d’accord et le feeling passe bien. Je me dis aussi que j’aurai pleins d’anecdotes à raconter et cela m’occupe pas mal. Sur 10h de méditation je pense j’ai bien dû méditer 10 minutes, c’est un bon ratio je trouve.
J3
J’ai mal à des muscles dont je ne soupçonnais même pas l’existence. C’est la conséquence d’être assise toute la journée et même si l’on a des coussins pour les fesses cela ne suffit pas. La douleur fait partie de la méthode, et la chaleur est une souffrance supplémentaire.
A la cantine j’ai l’impression d’être dans un centre pour dépressives suicidaires, personne ne sourit, personne ne parle, tout le monde tire la gueule. Je me dis que ça doit un peu ressembler à cela une prison : des horaires de merde imposés, des conditions d’hébergement qui laissent à désirer, une nourriture insipide servie dans des gamelles, et surtout l’ennui mortel. Au moins ici on ne risque pas de se faire agresser dans les douches : y’a pas de douche. (Toujours voir le verre à moitié plein)
Le soir on a un discourt vidéo de SN Goenka enseignant Vipassana, qui a popularisé et développé la méthode. C’est un type du nom de Bouddha qui en a fait l’invention alors que le petit Jésus n’était pas encore né. Il est resté 40 jours et 40 nuits sous un arbre à méditer. Je connais déjà tous ces préceptes bouddhistes mais c’est intéressant d’avoir le discours réconfortant d’un sage après une journée de merde.
J4
Et dire que je suis ici de mon plein gré, si au moins on m’avait forcé. Si c’était un jeu de télé réalité et que j’allais gagner de l’argent ou alors pouvoir enregistrer un single à la fin de l’aventure… J’ai mal aux fesses, je me questionne : les dames qui ont un gros cul ont elles moins mal ? On n’a pas le droit de parler donc je ne peux pas leur demander. Ok je n’aurai pas demandé de toute façon. Aujourd’hui une dame s’est vraiment endormie en méditation et elle est tombée à la renverse. C’EST RIGOLO MAIS C’EST SALAUD. Je sais, mais je fais avec le peu de divertissement qui s‘offre à moi. Je dors mal et peu et je regrette de ne pas avoir gardé un bouquin ou quelque chose pour m’occuper. Mon seul jeu c’est de faire des ombres chinoises sur le mur de ma chambre, mais je n’arrive pas à en faire beaucoup alors je m’ennuie vite. J’ai déjà refait le monde en quatre jours et je commence vraiment à trouver le temps long.
J5
Mes douleurs musculaires sont fortes et nous n’avons pas le droit de faire du sport, mon sang circule mal, j’ai mal même allongée. Mais en bonus, voilà que je tombe malade, mal à la tête, fièvre, diarrhée, courbature moi qui n’ai jamais eu la tourista en quatre mois en mangeant n’importe quoi n’importe où, je me dis que c’est surement psychologique. La pire journée de tout mon séjour, super malade, personne à qui se plaindre, rien à faire d’intéressant, ma frustration est grande. Je comprendrai bien vite que selon les préceptes qu’on nous enseigne, ma contrariété ne fera qu’empirer mon état et me mettre dans une colère inutile. Je suis excédée par le mal être physique. Heureusement que même les jours les plus longs ne durent que 24 heures.
J6
Je suis un tout petit mieux physiquement et j’essaie de lâcher prise. Je n’ai aucun contrôle sur la maladie ni sur la météo.
J’ai fait la moitié du séjour et cela me donne un peu de courage, je vais méditer le plus sérieusement possible pour le temps restant.On doit tenter de rester 1h complète dans la même position, avec beaucoup de volonté j’y parviens.
La méditation permet de se détacher de la douleur, je suis positive et j’ai enfin l’impression que j’apprends quelque chose. Pendant certaines méditations, on a le droit à des chants bouddhiste en Sanskrit.
Le guru qui chante me fait penser a un gars bourré qui chanterait je suis malade de Francis Lama au karaoké du Macumba. Je rigole toute seule en pensant à ma blague.
Après je culpabilise : si on a pas le droit de parler c’est entre autres pour ne pas critiquer et je critique le grand guru et les indiennes toute la journée. En effet, il faut savoir que les indiens ont des critères de politesse bien différents des nôtres.
Par exemple, certaines font des rôts à déplacer des montagnes et des pets de sept sur l’échelle de Richter pendant la méditation. Ce sont surtout les vieilles qui se lâchent, mais je peux vous garantir que c’est sans retenu aucune.
Évidemment, je lutte pour me concentrer dans ces conditions extrêmes et cela me met en rogne. En rogne, et donc je n’arrive pas a ressentir cet amour universelle qu’on nous promet et j’ai surtout envie de frapper la femme derrière moi. Je me dis qu’évidement faire le Vipassana en Europe permet d’éviter les désagréments culturels.
J7
METRO BOULOT DODO
Heu pardon
MEDITATION BOUFFE DODO (méditation et dodo ayant souvent lieu de manière simultanée)
Bref un jour normal à zombiland
J8
Ce matin je me ferais bien une tartine de Nutella ! (NDLR :sans huile de palme).
Ah merde encore du porridge (comme chaque jour matin et après-midi).
J’en ai marre, mon meilleur moment de la journée c’est quand on peut voir le groupe de singes. Ils sont une vingtaine et il y a cinq bébés et, My God, ils sont trop chou. Je ne me l’explique pas car à vrai dire ils ressemblent à Golum du Seigneur des anneaux mais c’est craquant de les regarder s’agiter avec leurs grandes pattes. On devrait donner un bébé singe à tous les dépressifs de la terre je suis sûre qu’ils iraient beaucoup mieux.
J9
Bientôt fini, je suis encore très faible physiquement donc c’est dur mais c’est bientôt la fin, demain on aura le droit de parler.
J10
One again a bistoufly, un peu moins de méditation et des discussions avec les filles pour comparer nos expériences. Toutes ont été malades, mais pas en même temps, y compris les indiennes à qui j’ai parlé.
Je suis convaincue que cela n’a rien à voir avec la bouffe mais c’est un processus de détoxification mentale. Les professeurs nous le confirmeront. Les indiennes peuvent enfin venir parler aux occidentales et nous prendre en photo, cela à dû les démanger pendant neuf jours.
De loin la meilleure journée au centre, la parole cela change tout, la vie reprend sa place. Toutes s’accordent à dire que quand même, c’était difficile.
J11
Bordel ils nous font encore nous lever à 4h pour le dernier jour, je n’ai plus de patience je veux juste sortir d’ici.
« Libérée, délivrée » Enfin je sors !
A 10h je prendrais un taxi pour la ville avec les autres filles et chacune partira dans une direction opposée. On se connait peu mais on a l’impression d’avoir partagé quelque chose de fort. Je prends le train pour Udaipur et me dit que j’en ai bavé, sans être sûre d’avoir retiré un bénéfice concret.
Puis dans le train une sensation me prend. Une sorte de joie profonde et paisible jamais ressentie. Je ne sais pas ce que c’est mais quelque chose s’est passé durant ces 10 jours. Chacun vit l’expérience différemment mais avec de la détermination on tire des bénéfices subtils de cette technique. J’ai pu développer une meilleure gestion de la douleur, de la frustration et de la colère. Surtout je sais que je suis capable de rester 10 jours sans parler même si certain auront du mal à le croire.
Si vous êtes intéressés voici le site Vipassana, le centre le plus proche est dans le Jura suisse. C’est gratuit et cela fonctionne par donation.
Heureusement que je suis pas commissionné car après mon mail je ne suis pas sûre que cela va se bousculer au portillon :
http://www.dhamma.org/en-US/index
Voici un reportage en Anglais sur Vipassana dans les prisons:
https://www.youtube.com/watch?v=WkxSyv5R1sg
Je vous souhaite une bonne journée, puisse l’amour universel être à vos coté
Vipassanament votre
PS: voici le lien vers mon site internet www.elsathomasson.com